Troisième article sur la formation à l’écriture (retrouvez mon avis sur Stephen King et Bob Mayer), aujourd’hui parlons du livre d’Elizabeth Gilbert Comme par magie, vivre sa créativité sans la craindre.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce nom, il s’agit de l’autrice de Mange, Prie, Aime – adapté au cinéma avec Julia Roberts.
Je vais être honnête avec vous, contrairement à la majorité des lecteurs, j’ai détesté Comme par magie. Je les détestais la première fois que j’ai lu, la seconde et comme je viens de le relire pour cet article (parce que c’est le minimum syndical) je vous confirme que je hais ce livre.
Je vais essayer d’être objective. Il y a du bon dans ce livre, on y retrouve de la bienveillance, le désir d’aider les autres, de dédramatiser le processus créatif, littéraire surtout (l’autrice est écrivaine alors forcément elle en parle – ELLE EN PARLE VRAIMENT BEAUCOUP DE SA PETITE PERSONNE ad nauseam).
Désolée, mais je n’y arrive pas. Je fais des efforts pour être impartiale mais quand je pense à Comme par magie tout ce que je retiens c’est :
- Être artiste n’est pas un métier sauf si on gagne des millions avec son travail. L’auteure nous dit tout de même qu’en cas de fin du monde/ monde post apocalypse les artistes ne serviraient à rien donc leur métier n’est pas utile et accessoirement ce n’est pas un « vrai » métier. Alors que dire des inspecteurs du fisc ? des profs d’histoire ? de littérature ? les agents d’entretiens ? (etc) Parce que oui, en cas de fin du monde votre charmant inspecteur des impôts ne servira à rien en comparaison avec un chasseur qui pourra vous fournir du gibier pour la nourriture, de la graisse pour l’éclairage, des peaux pour la chaleur (etc) et pourtant ça ne viendrait à personne de dire à son inspecteur des impôts qu’il a un métier qui n’est pas un vrai métier, qui ne sert à rien et qu’il devrait changer de profession. De même que la personne chargée du ménage dans votre chambre d’hôpital n’aura aucune utilité en cas de fin du monde en comparaison avec un chirurgien et pourtant personne ne viendrait remettre en question son utilité. Si on devait faire un métier seulement utile en cas d’hypothétique fin du monde, je suis certaine qu’il ne resterait que très peu d’emplois à pourvoir.
- On est vraiment auteur que si, et pratiquement seulement si, on a écrit des best-sellers et si on a été nommé dans le New York Times. Ah bon ? Donc on est seulement un « vrai » vendeur de prêt à porter si on a été nommé dans la presse international ? Ah bah non, ça marche pas.
- L’idée qu’il ne faille pas écrire ou créer de l’art si on est dépressif, alcoolique ou si on a des troubles mentaux. Ok…donc si on est dépressif on ferme son clavier parce que l’art est réservé aux seules personnes heureuses.
- Être artiste n’est pas réservé qu’aux génies, alors oui mais pas si c’est pour concevoir que les génies de l’art ont un poids trop lourd à porter. Et certainement pour rabaisser ces génies en leur disant que c’est trop lourd à porter d’être considéré comme un génie parce que soi-même on n’en est pas un.
Bien que la majorité de ses autres idées je les partage, je n’arrive pas à passer outre le fait qu’une personne qui est écrivain, qui vit de sa plume, qui se dit pour le développement personnel puisse rabaisser les gens, estimer que pour être artiste il faille remplir certaines conditions. Le Tout le monde peut être créatif, mais il n’y a que peu de gens qui peuvent se revendiquer artiste, pour moi ça va clairement à l’encontre du message originel du livre.
En sommes nous pouvons tous être créatif, mais nous n’avons pas tous le droit d’être artiste, pour cela il faut être connu.
En dehors de ces idées, je suis d’accord avec le gros du livre. Elizabeth Gilbert conseille d’écrire tous les jours pour se faire la main, un peu comme un musicien ferait ses gammes tous les jours. Elle parle de la passion, du fait qu’il faut aimer ce travail artistique. Ces aspects-là j’en suis vraiment d’accord, tout comme lorsqu’elle parle d’assumer pleinement son côté créatif et que nous soyons tous créatifs. Elle parle également de la peur qu’il ne faut pas écouter. J’aime bien également quand l’autrice affirme que l’on n’a pas à demander la permission pour écrire. Ce que je préfère, je crois, c’est lorsqu’elle parle de la muse de la créativité, ce qu’elle appelle Un génie créatif.
Je sais que Comme par magie est très apprécié dans le monde du développement personnel et de la créativité pour son côté facile à lire (un peu trop parfois), pour sa douceur, mais je trouve qu’il n’explique rien de bien concret. On n’y apprend pas à écrire, on n’y trouve pas d’exercice pour développer sa créativité, c’est plus comme un livre qui vous donne la permission de créer. Comme par magie donne le droit d’avoir une vie créative, de faire de l’art, de s’écouter et de laisser une place à l’art dans sa vie, ce qui est très bien, mais ce n’est pas ce que l’on cherche forcément.
Si vous n’êtes pas le genre de personne férue de développement personnel new age, vous risquez de ne pas adhérer au message. L’autrice conseille de personnifier sa peur, de prendre sa peur par la main, de lui parler comme si elle était une enfant, ça ne parle pas à tout le monde ce genre de concept. J’ai beau être adepte de certaines théories comme le Secret (d’ailleurs ce que dit Elizabeth Gilbert va à l’encontre du Secret, si j’ai bien compris donc bon), j’ai eu énormément de mal à comprendre ce que disait l’autrice. Il y a beaucoup d’anecdotes personnels, bien trop d’ailleurs, on a presque la sensation de lire une biographie. Le ton est très américain, dans le négatif du terme (à mon humble avis). Disons que j’ai eu la sensation que madame Gilbert se sentait obligée de raconter sa vie sans rien donner de réellement constructif pour développer la créativité et les compétences artistiques.
Cependant, je comprends parfaitement que l’on puisse adhérer à son message et que l’on en retire beaucoup d’optimisme. Si vous avez besoin d’un message positif vous pouvez lire Comme par magie, si ce n’est pas trop votre vous pouvez passer votre chemin je pense.