Mon avis sur l’usage des sensitives readers

Ne tournons pas autour du pot, dans cet article, il est question des senstitives readers et des maisons d’éditions qui font appel à leurs services.

Tout a commencé avec une publication, très putaclic, de France Culture, sur l’usage des sensitives readers en maison d’édition. Pour rappel, la personne que l’on nomme sensitive reader est chargé de détecter les propres sexistes, racistes, validistes, LGBTphobe etc dans les manuscrits. C’est un terme anglo-saxon que l’on peut traduire par lecteur en sensibilité. Il vise à promouvoir la diversité et à s’assurer que les propos ou les personnages soient cohérents afin que les représentations minoritaires soient les plus réalistes possibles. Je vous laisse un article en lien si vous souhaitez en savoir plus sur ce métier de l’édition, je vous joins également un article de Slate sur le sujet, mais n’hésitez pas à faire vos propres recherches pour vous faire votre propre avis sur la question.

Clairement, je sais qu’avec cet article, je vais me faire des ennemis, mais tant pis.

Je suis contre l’usage de sensitives readers en maison d’édition. Plus précisément, je suis contre l’obligation de faire usage d’un sensitive reader en maison d’édition.

Si vous êtes encore là, merci.

Pourquoi suis-je contre l’usage ou plutôt l’obligation des sensitives readers en maisons d’éditions ? Il y a plusieurs raisons alors, c’est parti :

D’une part parce que cela ne laisse pas le choix à l’auteur de faire cette démarche et je trouve cela infantilisant. Avoir le choix est bien meilleur à mon sens que d’obliger. C’est bien plus pédagogue quand on sait que le sujet est matière à débat, je préfère que l’on puisse laisser le choix aux auteurs de faire appel à eux que de forcer les choses et de créer des conflits et des clivages. La liberté d’expression ne signifie pas que l’on puisse dire tout et n’importe quoi, bien entendu, mais la liberté de création ne devrait pas se retrouver entravée par des débats comme celui-ci. Je crois fermement que les auteurs sont des personnages adultes (en majorité), matures (en majorité), intelligentes, cultivées et réfléchies qui n’ont pas envie de devoir être obligé de passer par la case sensitive reader de force. Je pense crois en revanche que l’usage des sensitives readers, s’il devait être démocratisé, devrait l’être avec l’accord des auteurs et non en forçant les choses. On n’obtient jamais rien de bon en forçant les gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire et encore moins s‘ils se sentent obligés par une pression morale extérieure.

De plus, ce n’est pas une fois le texte arrivé jusqu’à la maison d’édition qu’il faut s’inquiéter de la représentation réaliste de la diversité. Désolée, mais c’est trop tard. Ce n’est pas à la maison d’édition de faire le travail de recherche de l’auteur, mais c’est bien à l’auteur de faire preuve de professionnalisme. C’est violent, je sais et je vous avez dit que je me ferais des ennemis. L’auteur doit veiller à ce qu’il dit. Il doit veiller à faire les recherches suffisantes pour s’assurer de ne pas véhiculer de stéréotypes, de ne pas se tromper sur ce que pourrait ou ne pourrait pas dire ou faire une personne issue d’une minorité.

A mon sens l’honnêteté intellectuelle est la seule obligation de l’auteur. Après tout, demanderait-on à une maison d’édition de s’assurer que les thèses scientifiques ou historiques développées dans un livre soient vérifiées par la maison d’édition ? Non, c’est à l’auteur de s’assurer de ses sources, de ses réflexions et que son travail soit véridique. Pourquoi cela serait-il différent quand il s’agit de roman ?

Comment faire en tant qu’auteur pour s’assurer d’être réaliste dans un roman ?

  • Faire des recherches poussées auprès de personnes concernées
  • Lire des livres, écouter des témoignages, des podcasts, regarder des émissions
  • Se rapprocher d’associations
  • Rencontrer et discuter avec des personnes concernées
  • Se faire relire par des personnes concernées
  • Faire appel à un ou des sensitives readers

Après tout en maison d’édition, le texte passe déjà par de nombreuses modifications, une de plus ou une de moins, ce n’est pas si important. Et bien, si, si cela me paraît important. Autant un auteur n’est pas un correcteur, un maquettiste, un graphiste etc je suis bien d’accord, mais si l’auteur ne fait pas son travail de recherche et bien qu’est-il alors ? Un simple conteur d’histoire qui se moque des faits, de la réalité, de la conception des personnages, de l’Histoire ? L’auteur a des devoirs, comme celui d’être le mieux renseigné possible et de ne pas écrire n’importe quoi sur n’importe quel sujet.

Je suis la première à pousser les hauts cris lorsqu’un auteur écrit que les personnages féminins s’évanouissent dans les corsets ou qu’il était impossible de courir, de danser ou de respirer dans un corset, parce que c’est faux et que c’est une preuve de manque de rigueur. Alors oui, ce n’est pas le même sujet, je sais bien, mais pourtant c’est la même mécanique, la même démarche. C’est la même chose lorsqu’il s’agit de faire intervenir des minorités dans ces textes, sauf si c’est un choix conscient et voulu qui met en avant des mécanismes de réflexions ou qui joue sur des stéréotypes pour les dénoncer ou par réalisme historique.

Le troisième problème que me pose l’usage des SR en ME c’est que l’on pousse soit à l’auteur à révéler que son texte est un Own Voice, soit à nier qu’un roman peut être un own voice. Alors évidement, c’est à nuancer, un Own Voice n’est pas nécessairement autobiographique et être issue d’une minorité ne signifie pas que l’on n’a aucune parole ou idée problématique. En tout cas, c’est pour cela que je trouve que c’est réellement à l’auteur de faire la démarche d’aller vers des sensitives readers et que ce n’est pas à une maison d’édition d’obliger à ce passage.

Enfin, lorsque l’on me dit que de toute façon l’auteur n’est pas obligé d’accepter les corrections suggérées par le sensitive reader, oui, bien entendu, mais si cela devient une obligation de la part d’une maison d’édition, il n’y a donc plus de choix possible de faire appel à ce type de lecteur et l’auteur se sentira plus « forcé » à accepter les corrections ou modifications que si c’est une démarche qu’il fait de lui-même. Lorsqu’un correcteur de maison d’édition passe sur un texte ou lorsqu’un éditeur suggère des modifications, c’est généralement pour le mieux et on est plus tenté d’accepter un peu contraint et forcé. Cela peut-être déjà assez difficile de batailler avec son éditeur, si en plus il faut rajouter une étape – qui en plus devrait être effectuée avant même l’envoi – cela risque de devenir usant. De plus, cela rajoute des corrections qui pourraient être évitées depuis le début. S’il y a beaucoup de passages problématique ou pire si une majorité des informations données sont fausses, imaginez le travail que cela va nécessité. Les incohérences que cela peut amené dans le récit puisque même faire de petits changements peut chambouler tout le récit. La perte colossale de temps et d’énergie pour quelque chose qui est largement possible de prévenir en amont !

En conclusion, je dirais que l’auteur est responsable de ce qu’il rédige. C’est à lui d’effectuer toutes les recherches nécessaires à son ouvrage. C’est également à lui de s’assurer que ce dont il parle est réaliste ou de faire le choix de ne pas l’être par volonté créative. Reporter sur l’éditeur la question de l’honnêteté intellectuelle de l’auteur, c’est au mieux considéré que l’auteur n’est pas capable de se renseigner par lui-même, au pire ne voir les auteurs que comme des conteurs d’histoire sans cervelle. Faites vos recherches, parler à des gens, prenez le temps de vous renseignez, faites appel à des sensitives readers s’il le faut mais ne considérons pas que c’est à l’éditeur de faire ces démarches car ce sont celles de l’auteur.

Maintenant vous pouvez me tomber dessus, les commentaires sont là pour râler ^^ En vérité, n’hésitez pas à me donner votre avis parce que je me demande si je ne suis pas totalement déconnectée de la réalité sur ce sujet. Peut-être que j’ai tort de croire ce que je crois et de voir les choses de cette manière. Vous l’aurez compris, je ne suis pas contre le fait de faire appel aux sensitives readers. Je n’ai rien contre les auteurs qui font appel à eux, rien contre ceux qui n’en voient pas l’intérêt, rien non plus contre les personnes qui peuvent trouver que c’est génial de rajouter cette étape en maison d’édition, mais à mon sens ça dénote tout de même d’un manque de recherches de la part de l’auteur.

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